Les émotions conscientes de soi : culpabilité, honte et fierté

Publié le : 11 août 20218 mins de lecture

Avoir honte quand vient le moment de donner son avis, se sentir coupable de ce que l’on a fait un jour lointain, ou se sentir fier d’une réalisation. Tous ces cas correspondent à une série d’émotions dans lesquelles une évaluation du soi est faite. La psychologie les appelle des émotions conscientes de soi.

Il s’agit d’états émotionnels présentant un certain nombre de caractéristiques communes, mais susceptibles d’engendrer des risques uniques et spécifiques en fonction du type d’évaluation que nous faisons de nous-mêmes.

Émotions gênantes

Ces dernières années, l’intérêt scientifique et psychologique pour les émotions s’est fortement accru. Pourtant, nous ignorons encore une grande partie de leur fonctionnement.

Aujourd’hui, nous disposons de nombreuses études sur les émotions simples et l’intelligence émotionnelle. Mais pour toutes ces émotions d’une plus grande complexité, comme dans le cas des émotions conscientes de soi, la quantité de matériel disponible est bien moindre.

Néanmoins, l’intérêt qui s’est développé ces dernières années pour les émotions autoconscientes a permis la formulation de diverses théories et modèles. Selon les études menées jusqu’à présent, les émotions de la conscience de soi partagent un certain nombre de caractéristiques importantes :

La culpabilité et la honte, par exemple, sont capables d’inhiber les comportements considérés comme immoraux ou de faciliter ceux catalogués comme moraux. En effet, en nous comportant de manière immorale ou non, nous éprouvons de la culpabilité et de la honte. D’autre part, la fierté est associée aux bonnes actions et au renforcement positif que nous pourrions recevoir à l’avenir en les refaisant.

Un autre facteur important à prendre en compte est que, bien que ces émotions soient dites conscientes, les différents chercheurs qui les ont observées affirment que l’auto-évaluation que nous effectuons pour les activer ne se produit pas toujours de manière consciente.

Culpabilité, honte et fierté : les différences

En plus des caractéristiques que nous venons de mentionner et qui sont communes à toutes les émotions conscientes de soi, il en existe certaines qui diffèrent d’une émotion à l’autre. Chacun d’entre eux se manifeste à la suite d’un événement particulier, en fonction d’une expérience subjective, et entraîne un certain nombre de comportements distincts.

Michael Lewis a développé un modèle qui explique les émotions conscientes de soi à partir de deux variables.

Selon cet auteur, nous évaluons nos pensées, nos sentiments et nos actions comme des réussites ou des échecs en fonction d’un ensemble de règles, de normes et d’objectifs sur le plan culturel et personnel. Et sur ces évaluations, nous faisons des attributions internes, c’est-à-dire que nous essayons de déterminer pourquoi.

Si nous croyons que le succès ou l’échec est dû à notre Ego dans sa totalité, l’attribution sera globale ; si, par contre, nous croyons qu’il est dû à une seule pensée, action ou sentiment, elle sera spécifique. Et en fonction de cette attribution, nous allons manifester l’une des trois émotions conscientes de soi.

Ce mécanisme dépend autant des influences culturelles que des variables personnelles. C’est pourquoi une même action peut être considérée comme un échec par quelqu’un et comme un succès par quelqu’un d’autre. Il en va de même pour les attributions, qui peuvent être globales ou spécifiques selon les personnes. Ci-dessous, nous voyons les principales caractéristiques des émotions conscientes de soi selon la perspective de Lewis.

Culpabilité et honte, émotions accompagnées d’une auto-évaluation négative

Lorsque nous avons honte, nous formulons une évaluation négative de l’Ego dans sa totalité. Nous voulons nous cacher ou disparaître parce que nous avons l’impression de nous être ridiculisés. Nous ressentons une certaine confusion mentale dont, contrairement à ce qui se passe lorsque nous devons remédier à une action, il n’est pas facile de sortir. C’est pourquoi nous avons recours à des mécanismes mentaux tels que la réinterprétation de ce qui s’est passé ou l’oubli de ce qui s’est passé.

La culpabilité, en revanche, bien qu’elle découle également d’une évaluation négative du moi, se développe à un niveau spécifique (c’est-à-dire pour une action concrète). Nous nous sentons coupables de quelque chose que nous avons fait, dit ou pensé, car par cette action nous avons causé du tort à quelqu’un. La culpabilité, cependant, n’interrompt pas l’action accomplie ; au contraire, elle déclenche une série de comportements dans le but de remédier à l’action et de se libérer ainsi de notre charge émotionnelle.

Lewis considère la culpabilité comme moins destructrice et plus utile que la honte, précisément en raison des mesures réparatrices que nous mettons en place lorsque nous nous sentons coupables.

Fierté et insolence, des émotions avec des auto-évaluations positives

L’orgueil naît d’une évaluation positive de l’ego dans une composante spécifique de celui-ci. Lorsque nous sommes fiers, nous nous sentons satisfaits de quelque chose que nous avons fait. Comme il s’agit d’un état émotionnel agréable, la tendance est de le générer à nouveau.

Dans son modèle sur les émotions conscientes de soi, lorsque Michael Lewis parle d’une fierté résolument exagérée, il choisit de faire référence à une disposition de la personnalité, plutôt qu’à une réaction émotionnelle. Nous parlons d’insolence, une émotion générée par une évaluation globale positive qui est associée, dans les cas extrêmes, à une forme de narcissisme.

Lorsqu’une personne est insolente, elle ressent une profonde satisfaction de soi, c’est pourquoi elle essaiera de préserver cet état émotionnel. L’insolence est souvent associée à un sentiment de supériorité, une combinaison qui suscite le rejet des autres.

Conclusions

À quoi pensons-nous lorsque nous ressentons de la honte ? À quoi attribuons-nous notre orgueil ou pourquoi nous sentons-nous coupables ? Sommes-nous capables de dire quand nous sommes insolents ? Comme nous l’avons vu dans cet article, il existe une différence substantielle entre les émotions conscientes de soi et leur mécanisme de développement, qui dépend de l’évaluation intérieure.

Ces émotions doivent encore être explorées et étudiées plus avant, au niveau personnel et social. Dans quelle mesure, par exemple, la fierté et l’insolence peuvent-elles être définies comme des émotions positives ? Et quand, au contraire, se transforment-ils en états émotionnels négatifs ?

L’univers émotionnel, aussi passionnant soit-il, ne cesse d’être complexe et souvent mystérieux, étant donné sa dépendance à un grand nombre de variables. Étudier en profondeur le monde des émotions est important car cela facilite la compréhension de notre essence. Une pièce de plus pour pouvoir répondre à l’une des questions les plus importantes sur lesquelles l’être humain s’est toujours interrogé : comment travaillons-nous ?

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